LA GENÈSE, LES MIRACLES ET LES PRÉDICTIONS SELON LE SPIRITISME

Allan Kardec

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CHAPITRE XV
Les Miracles de l'Evangile.
Supériorité de la nature de Jésus. - Songes. - Etoile des mages. Double vue. - Guérisons. - Possédés. - Résurrections. - Jésus marche sur l'eau. - Transfiguration. - Tempête apaisée. - Noces de Cana. - Multiplication des pains. - Tentation de Jésus. - Prodiges à la mort de Jésus. - Apparition de Jésus après sa mort. - Disparition du corps de Jésus.

SUPERIORITE DE LA NATURE DE JESUS.

1.- Les faits rapportés dans l'Evangile, et qui ont été jusqu'ici considérés comme miraculeux, appartiennent, pour la plupart, à l'ordre des phénomènes psychiques, c'est-à-dire de ceux qui ont pour cause première les facultés et les attributs de l'âme. En les rapprochant de ceux qui sont décrits et expliqués dans le chapitre précédent, on reconnaît sans peine qu'il y a entre eux identité de cause et d'effet. L'histoire en montre d'analogues dans tous les temps et chez tous les peuples, par la raison que, depuis qu'il y a des âmes incarnées et désincarnées, les mêmes effets ont dû se produire. On peut, il est vrai, contester sur ce point la véracité de l'histoire ; mais aujourd'hui ils se produisent sous nos yeux, pour ainsi dire à volonté, et par des individus qui n'ont rien d'exceptionnel. Le fait seul de la reproduction d'un phénomène, dans des conditions identiques, suffit pour prouver qu'il est possible et soumis à une loi, et que dès lors il n'est pas miraculeux.

Le principe des phénomènes psychiques repose, comme on l'a vu, sur les propriétés du fluide périsprital qui constitue l'agent magnétique ; sur les manifestations de la vie spirituelle pendant la vie et après la mort ; enfin sur l'état constitutif des Esprits et leur rôle comme force active de la nature. Ces éléments connus et leurs effets constatés, ils ont pour conséquence de faire admettre la possibilité de certains faits que l'on rejetait alors qu'on leur attribuait une origine surnaturelle.

2.- Sans rien préjuger sur la nature du Christ, qu'il n'entre pas dans le cadre de cet ouvrage d'examiner, en ne le considérant, par hypothèse, que comme un Esprit supérieur, on ne peut s'empêcher de reconnaître en lui un de ceux de l'ordre le plus élevé, et qu'il est placé par ses vertus bien au-dessus de l'humanité terrestre. Par les immenses résultats qu'elle a produits, son incarnation en ce monde ne pouvait être qu'une de ces missions qui ne sont confiées qu'aux messagers directs de la Divinité pour l'accomplissement de ses desseins. En supposant qu'il ne fût pas Dieu lui-même, mais un envoyé de Dieu pour transmettre sa parole, il serait plus qu'un prophète, car il serait un Messie divin.

Comme homme, il avait l'organisation des êtres charnels ; mais comme Esprit pur, détaché de la matière, il devait vivre de la vie spirituelle plus que de la vie corporelle, dont il n'avait point les faiblesses. La supériorité de Jésus sur les hommes ne tenait point aux qualités particulières de son corps, mais à celles de son Esprit, qui dominait la matière d'une manière absolue, et à celle de son périsprit puisé dans la partie la plus quintessenciée des fluides terrestres. (Chap. XIV, n° 9). Son âme ne devait tenir au corps que par les liens strictement indispensables ; constamment dégagée, elle devait lui donner une double vue non seulement permanente, mais d'une pénétration exceptionnelle et bien autrement supérieure à celle que l'on voit chez les hommes ordinaires. Il devait en être de même de tous les phénomènes qui dépendent des fluides périspritaux ou psychiques. La qualité de ces fluides lui donnait une immense puissance magnétique secondée par le désir incessant de faire le bien.

Dans les guérisons qu'il opérait, agissait-il comme médium ? Peut-on le considérer comme un puissant médium guérisseur ? Non ; car le médium est un intermédiaire, un instrument dont se servent les Esprits désincarnés. Or, le Christ n'avait pas besoin d'assistance, lui qui assistait les autres ; il agissait donc par lui-même, en vue de sa puissance personnelle, ainsi que peuvent le faire les incarnés dans certains cas et dans la mesure de leurs forces. Quel Esprit d'ailleurs eût osé lui insuffler ses propres pensées et le charger de les transmettre ? S'il recevait un influx étranger, ce ne pouvait être que de Dieu ; selon la définition donnée par un Esprit, il était médium de Dieu.

SONGES.

3.- Joseph, dit l'Evangile, fut averti par un ange qui lui apparut en songe et lui dit de fuir en Egypte avec l'Enfant (Saint Matth., chap. II, v. de 19 à 23).

Les avertissements par songes jouent un grand rôle dans les livres sacrés de toutes les religions. Sans garantir l'exactitude de tous les faits rapportés et sans les discuter, le phénomène en lui-même n'a rien d'anormal quand on sait que le temps du sommeil est celui où l'Esprit, se dégageant des liens de la matière, rentre momentanément dans la vie spirituelle où il se retrouve avec ceux qu'il a connus. C'est souvent ce moment que choisissent les Esprits protecteurs pour se manifester à leurs protégés et leur donner des conseils plus directs. Les exemples authentiques d'avertissements par songes sont nombreux, mais il n'en faudrait pas inférer que tous les songes sont des avertissements, et encore moins que tout ce qu'on voit en rêve a sa signification. Il faut ranger parmi les croyances superstitieuses et absurdes, l'art d'interpréter les songes (Chap. XIV, n° 27 et 28).

ETOILE DES MAGES.

4.- Il est dit qu'une étoile apparut aux mages qui vinrent adorer Jésus, qu'elle marcha devant eux pour leur indiquer la route et s'arrêta quand ils furent arrivés (Saint Matth., chap. II, v. de 1 à 12).

La question n'est pas de savoir si le fait rapporté par saint Matthieu est réel, ou si ce n'est qu'une figure pour indiquer que les mages furent guidés d'une manière mystérieuse vers le lieu où était l'Enfant, attendu qu'il n'existe aucun moyen de contrôle, mais bien si un fait de cette nature est possible.

Une chose certaine, c'est que dans cette circonstance la lumière ne pouvait être une étoile. On pouvait le croire à l'époque où l'on pensait que les étoiles sont des points lumineux attachés au firmament et qui peuvent tomber sur la terre ; mais non aujourd'hui que l'on connaît leur nature.

Pour n'avoir pas la cause qu'on lui attribue, le fait de l'apparition d'une lumière ayant l'aspect d'une étoile n'en est pas moins une chose possible. Un Esprit peut apparaître sous une forme lumineuse, ou transformer une partie de son fluide périsprital en un point lumineux. Plusieurs faits de ce genre, récents et parfaitement authentiques, n'ont pas d'autre cause, et cette cause n'a rien de surnaturel (Chap. XIV, n° 13 et suiv.).

DOUBLE VUE.
Entrée de Jésus à Jérusalem.

5.- Lorsqu'ils approchèrent de Jérusalem, et qu'ils furent arrivés à Bethphagé, près de la montagne des Oliviers, Jésus envoya deux de ses disciples, et leur dit : Allez à ce village qui est devant vous, et vous y trouverez en arrivant une ânesse liée, et son ânon auprès d'elle ; déliez-la et me les amenez. - Si quelqu'un vous dit quelque chose, dites-lui que le Seigneur en a besoin, et aussitôt il les laissera emmener. - Or, tout ceci s'est fait afin que cette parole du prophète fût accomplie : - Dites à la fille de Sion : Voici votre roi qui vient à vous, plein de douceur, monté sur une ânesse, et sur l'ânon de celle qui est sous le joug (Zacharie, IX, v. 9, 10).

Les disciples s'en allèrent donc, et firent ce que Jésus leur avait commandé. - Et avant amené l'ânesse et l'ânon, ils les couvrirent de leurs vêtements, et le firent monter dessus (Saint Matth., ch. XXI, v. de 1 à 7).

Baiser de Judas.

6.- Levez-vous, allons, celui qui doit me trahir est près d'ici. - Il n'avait pas encore achevé ces mots, que Judas, un des douze, arriva, et avec lui une troupe de gens armés d'épées et de bâtons, qui avaient été envoyés par les princes des prêtres et par les anciens du peuple. - Or, celui qui le trahissait leur avait donné un signal pour le reconnaître, en leur disant : Celui que je baiserai, c'est celui-là même que vous cherchez ; saisissez-vous de lui. - Aussitôt donc, il s'approcha de Jésus et lui dit : Maître, je vous salue ; et il le baisa. - Jésus lui répondit : Mon ami, qu'êtes-vous venu faire ici ? Et en même temps tous les autres, s'avançant, se jetèrent sur Jésus et se saisirent de lui (Saint Matth., ch. XXIV, v. de 46 à 50).

Pêche miraculeuse.

7.- Un jour que Jésus était sur le bord du lac de Génésareth, se trouvant accablé par la foule du peuple qui se pressait pour entendre la parole de Dieu, - il vit deux barques, arrêtées au bord du lac, dont les pêcheurs étaient descendus et lavaient leurs filets. - Il entra donc dans l'une de ces barques, qui était à Simon, et le pria de s'éloigner un peu de terre ; et s'étant assis il enseignait le peuple de dessus la barque.

Lorsqu'il eut cessé de parler, il dit à Simon : Avancez en pleine eau, et jetez vos filets pour pêcher. - Simon lui répondit : Maître, nous avons travaillé toute la nuit sans rien prendre, mais néanmoins sur votre parole je jetterai le filet. - L'ayant donc jeté, ils prirent une si grande quantité de poissons que leur filet se rompit. - Et ils firent signe à leurs compagnons, qui étaient dans l'autre barque, de venir les aider. Ils y vinrent, et ils remplirent tellement leurs barques, qu'il s'en fallait peu qu'elles ne coulassent à fond (Saint Luc, ch. V, v. de 1 à 7).

Vocation de Pierre, André, Jacques, Jean et Matthieu.

8.- Or Jésus, marchant le long de la mer de Galilée, vit deux frères, Simon, appelé Pierre, et André son frère, qui jetaient leurs filets dans la mer, car ils étaient pêcheurs ; - et il leur dit : Suivez-moi, et je vous ferai pêcheurs d'hommes. - Aussitôt, ils quittèrent leurs filets et le suivirent.

De là, s'avançant, il vit deux autres frères, Jacques, fils de Zébédée, et Jean son frère, qui étaient dans une barque avec Zébédée, leur père, et qui raccommodaient leurs filets, et il les appela. - En même temps ils quittèrent leurs filets et leur père, et ils le suivirent (Saint Matth., ch. IV, v. de 18 à 22).

Jésus, sortant de là, vit en passant un homme assis au bureau des impôts, nommé Matthieu, auquel il dit : Suivez-moi ; et lui aussitôt se leva et le suivit (Saint Matthieu, ch. IV, v. 9).

9.- Ces faits n'ont rien de surprenant, quand on connaît le pouvoir de la double vue et la cause très naturelle de cette faculté. Jésus la possédait au suprême degré, et l'on peut dire qu'elle était son état normal, ce qu'attestent un grand nombre d'actes de sa vie et ce qu'expliquent aujourd'hui les phénomènes magnétiques et le Spiritisme.

La pêche qualifiée de miraculeuse s'explique également par la double vue. Jésus, n'a point produit spontanément des poissons là où il n'en existait pas ; il a vu, comme aurait pu le faire un lucide éveillé, par la vue de l'âme, l'endroit où ils se trouvaient, il a pu dire avec assurance aux pêcheurs d'y jeter leurs filets.

La pénétration de la pensée, et par suite certaines prévisions, sont la conséquence de la vue spirituelle. Lorsque Jésus appelle à lui Pierre, André, Jacques, Jean et Matthieu, il fallait qu'il connût leurs dispositions intimes pour savoir qu'ils le suivraient et qu'ils étaient capables de remplir la mission dont il devait les charger. Il fallait qu'eux-mêmes eussent l'intuition de cette mission pour s'abandonner à lui. Il en est de même lorsque, le jour de la Cène, il annonce que l'un des douze le trahira, et qu'il le désigne en disant que c'est celui qui met la main dans le plat, et lorqu'il dit que Pierre le renoncera.

En maints endroits de l'Evangile, il est dit : « Mais Jésus, connaissant leur pensée, leur dit... » Or comment pouvait-il connaître leur pensée, si ce n'est à la fois par le rayonnement fluidique qui lui apportait cette pensée, et la vue spirituelle qui lui permettait de lire dans le for intérieur des individus ?

Alors souvent qu'on croit une pensée profondément ensevelie dans les replis de l'âme, on ne se doute pas qu'on porte en soi un miroir qui la réfléchit, un révélateur dans son propre rayonnement fluidique qui en est imprégné. Si l'on voyait le mécanisme du monde invisible qui nous entoure, les ramifications de ces fils conducteurs de la pensée qui relient tous les êtres intelligents, corporels et incorporels, les effluves fluidiques chargés des empreintes du monde moral, et qui, comme des courants aériens, traversent l'espace, on serait moins surpris de certains effets que l'ignorance attribue au hasard (Chap. XIV, n° 15, 22 et suivants).

GUERISONS.

Perte de sang.

10.- Alors une femme, malade d'une perte de sang depuis douze ans, - qui avait beaucoup souffert entre les mains de plusieurs médecins, et qui, ayant dépensé tout son bien, n'en avait reçu aucun soulagement, mais s'en était toujours trouvée plus mal, - ayant entendu parler de Jésus, vint dans la foule par-derrière, et toucha son vêtement ; car elle disait : Si je puis seulement toucher son vêtement, je serai guérie. - Au même instant la source du sang qu'elle perdait fut séchée, et elle sentit dans son corps qu'elle était guérie de cette maladie.

Aussitôt Jésus, connaissant en lui-même la vertu qui était sortie de lui, se retourna au milieu de la foule, et dit : Qui est-ce qui a touché mes vêtements ? - Ses disciples lui dirent : Vous voyez que la foule vous presse de tous côtés, et vous demandez qui vous a touché ? - Et il regardait tout autour de lui pour voir celle qui l'avait touché.

Mais cette femme, qui savait ce qui s'était passé en elle, étant saisie de crainte et de frayeur, vint se jeter à ses pieds, et lui déclara toute la vérité. - Et Jésus lui dit : Ma fille, votre foi vous a sauvée ; allez en paix, et soyez guérie de votre maladie (Saint Marc, ch. V, v. de 25 à 34).

11.- Ces paroles : « Connaissant en lui-même la vertu qui était sortie de lui », sont significatives ; elles expriment le mouvement fluidique qui s'opérait de Jésus à la femme malade ; tous les deux ont ressenti l'action qui venait de se produire. Il est remarquable que l'effet n'a été provoqué par aucun acte de la volonté de Jésus ; il n'y a eu ni magnétisation, ni imposition des mains. Le rayonnement fluidique normal a suffi pour opérer la guérison.

Mais pourquoi ce rayonnement s'est-il dirigé vers cette femme plutôt que vers d'autres, puisque Jésus ne pensait pas à elle, et qu'il était entouré par la foule ?

La raison en est bien simple. Le fluide, étant donné comme matière thérapeutique, doit atteindre le désordre organique pour le réparer ; il peut être dirigé sur le mal par la volonté du guérisseur, ou attiré par le désir ardent, la confiance, en un mot la foi du malade. Par rapport au courant fluidique, le premier fait l'effet d'une pompe foulante et le second d'une pompe aspirante. Quelquefois la simultanéité des deux effets est nécessaire, d'autres fois un seul suffit ; c'est le second qui a eu lieu en cette circonstance.

Jésus avait donc raison de dire : « Votre foi vous a sauvée. » On comprend qu'ici la foi n'est pas la vertu mystique telle que certaines personnes l'entendent, mais une véritable force attractive, tandis que celui qui ne l'a pas oppose au courant fluidique une force répulsive, ou tout au moins une force d'inertie qui paralyse l'action. D'après cela, on comprend que de deux malades atteints du même mal, étant en présence d'un guérisseur, l'un puisse être guéri, et l'autre non. C'est là un des principes les plus importants de la médiumnité guérissante et qui explique, par une cause très naturelle, certaines anomalies apparentes (Chap. XIV, n° 31, 32, 33).

Aveugle de Bethsaïde.

12.- Etant arrivé à Bethsaïde, on lui amena un aveugle qu'on le pria de toucher.

Et prenant l'aveugle par la main, il le mena hors du bourg ; il lui mit de la salive sur les yeux, et lui ayant imposé les mains, il lui demanda s'il voyait quelque chose. - Cet homme, regardant, lui dit : Je vois marcher des hommes qui me paraissent comme des arbres. - Jésus lui mit encore une fois les mains sur les yeux, et il commença à mieux voir ; et enfin il fut tellement guéri, qu'il voyait distinctement toutes choses.

Il le renvoya ensuite dans sa maison, et lui dit : Allez-vous-en en votre maison ; et si vous entrez dans le bourg, n'y dites à personne ce qui vous est arrivé (Saint Marc, ch. VIII, v. de 22 à 26).

13.- Ici l'effet magnétique est évident ; la guérison n'a pas été instantanée, mais graduelle et par suite d'une action soutenue et réitérée, quoique plus rapide que dans la magnétisation ordinaire. La première sensation de cet homme est bien celle qu'éprouvent les aveugles en recouvrant la lumière ; par un effet d'optique les objets leur paraissent d'une grandeur démesurée.

Paralytique.

14.- Jésus, étant monté dans une barque, repassa le lac et vint dans sa ville (Capharnaüm). - Et comme on lui eut présenté un paralytique couché sur un lit, Jésus, voyant leur foi, dit à ce paralytique : Mon fils, ayez confiance, vos péchés vous sont remis.

Aussitôt quelques-uns des scribes dirent en eux-mêmes : Cet homme blasphème. - Mais Jésus, ayant connu ce qu'ils pensaient, leur dit : Pourquoi avez-vous de mauvaises pensées dans vos coeurs ? - Car, lequel est le plus aisé, ou de dire : Vos péchés vous sont remis, ou de dire : Levez-vous et marchez ? - Or, afin que vous sachiez que le Fils de l'homme a sur la terre le pouvoir de remettre les péchés : Levez-vous, dit-il alors au paralytique ; emportez votre lit, et allez-vous-en dans votre maison.

Le paralytique se leva aussitôt et s'en alla en sa maison. - Et le peuple, voyant ce miracle, fut rempli de crainte et rendit gloire à Dieu de ce qu'il avait donné une telle puissance aux hommes (Saint Matth., ch. IX, v. de 1 à 8).

15.- Que pouvaient signifier ces paroles : « Vos péchés vous sont remis, » et à quoi pouvaient-elles servir pour la guérison ? Le Spiritisme en donne la clef, comme d'une infinité d'autres paroles incomprises jusqu'à ce jour ; il nous apprend, par la loi de la pluralité des existences, que les maux et les afflictions de la vie sont souvent des expiations du passé, et que nous subissons dans la vie présente les conséquences des fautes que nous avons commises dans une existence antérieure : les différentes existences étant solidaires les unes des autres, jusqu'à ce qu'on ait payé la dette de ses imperfections.

Si donc la maladie de cet homme était une punition pour le mal qu'il avait pu commettre, en lui disant : « Vos péchés vous sont remis, » c'était lui dire : « Vous avez payé votre dette ; la cause de votre maladie est effacée par votre foi présente ; en conséquence, vous méritez d'être délivré de votre maladie. » C'est pour cela qu'il dit aux scribes : « Il est aussi facile de dire : Vos péchés vous sont remis, que : Levez-vous et marchez ; » la cause cessant, l'effet doit cesser. Le cas est le même que pour un prisonnier à qui l'on viendra dire : « Votre crime est expié et pardonné, » ce qui équivaudrait à lui dire : « Vous pouvez sortir de prison ».

Les dix lépreux.

16.- Un jour qu'il allait à Jérusalem, et passait par les confins de la Samarie et de la Galilée, - étant près d'entrer dans un village, dix lépreux vinrent au-devant de lui ; et se tenant éloignés, ils élevèrent leurs voix et lui dirent : Jésus, notre maître, ayez pitié de nous. - Lorsqu'il les eut aperçus, il leur dit : Allez vous montrer aux prêtres. Et comme ils y allaient, ils furent guéris.

L'un deux, voyant qu'il était guéri, retourna sur ses pas, glorifiant Dieu à haute voix ; - et vint se jeter aux pieds de Jésus, le visage contre terre, en lui rendant grâces ; et celui-là était Samaritain.

Alors Jésus dit : Tous les dix n'ont-ils pas été guéris ? Où sont donc les neuf autres ? - Il ne s'en est point trouvé qui soit revenu, et qui ait rendu gloire à Dieu, sinon cet étranger. - Et il lui dit : Levez-vous, allez ; votre foi vous a sauvé (Saint Luc, ch. XVII, v. de 11 à 19).

17.- Les Samaritains étaient des schismatiques, comme à peu près les protestants à l'égard des catholiques, et méprisés par les Juifs comme des hérétiques. Jésus, en guérissant indistinctement les Samaritains et les Juifs, donnait à la fois une leçon et un exemple de tolérance ; et, en faisant ressortir que le Samaritain seul était revenu rendre gloire à Dieu, il montrait qu'il y avait en lui plus de vraie foi et de reconnaissance que chez ceux qui se disaient orthodoxes. En ajoutant : « Votre foi vous a sauvé », il fait voir que Dieu regarde le fond du coeur et non la forme extérieure de l'adoration. Cependant les autres ont été guéris ; il le fallait pour la leçon qu'il voulait donner, et prouver leur ingratitude ; mais qui sait ce qu'il en sera résulté, et s'ils auront bénéficié de la faveur qui leur avait été accordée ? En disant au Samaritain : « Votre foi vous a sauvé », Jésus donne à entendre qu'il n'en sera pas de même des autres.

Main sèche.

18.- Jésus entra une autre fois dans la synagogue, où il trouva un homme qui avait une main sèche. - Et ils l'observaient pour voir s'il le guérirait un jour de sabbat afin d'en prendre sujet de l'accuser. - Alors, il dit à cet homme qui avait une main sèche : Levez-vous, tenez-vous là au milieu. - Puis il leur dit : Est-il permis au jour du sabbat de faire du bien ou du mal, de sauver la vie ou de l'ôter ? Et ils demeurèrent dans le silence. - Mais lui, les regardant avec colère, affligé qu'il était de l'aveuglement de leur coeur, dit à cet homme : Etendez votre main. Il l'étendit, et elle devint saine.

Aussitôt les pharisiens, étant sortis, tinrent conseil contre lui avec les hérodiens, sur le moyen de le perdre. - Mais Jésus se retira avec ses disciples vers la mer, où une grande multitude de peuple le suivit de Galilée et de Judée, - de Jérusalem, de l'Idumée, et d'au-delà le Jourdain ; et ceux des environs de Tyr et de Sidon, ayant entendu parler des choses qu'il faisait, vinrent en grand nombre le trouver (Saint Marc, ch. III, v. de 1 à 8).

La femme courbée.

19.- Jésus enseignait dans une synagogue tous les jours de sabbat. - Et un jour, il y vit une femme possédée d'un Esprit qui la rendait malade depuis dix-huit ans ; et elle était si courbée, qu'elle ne pouvait du tout regarder en haut. - Jésus la voyant, l'appela et lui dit : Femme, vous êtes délivrée de votre infirmité. - En même temps, il lui imposa les mains ; et étant aussitôt redressée, elle en rendit gloire à Dieu.

Mais le chef de la synagogue, indigné de ce que Jésus l'avait guérie un jour de sabbat, dit au peuple : Il y a six jours destinés pour travailler ; venez ces jours-là pour être guéris et non aux jours du sabbat.

Le Seigneur, prenant la parole, lui dit : Hypocrite, y a-t-il quelqu'un de vous qui ne délie pas son boeuf ou son âne de la crèche le jour du sabbat, et ne le mène boire ? - Pourquoi donc ne fallait-il pas délivrer de ses liens, en un jour de sabbat, cette fille d'Abraham que Satan avait tenue ainsi liée durant dix-huit ans ?

A ces paroles, tous ses adversaires demeurèrent confus, et tout le peuple était ravi de lui voir faire tant d'actions glorieuses (Saint Luc, ch. XIII, v. de 10 à 17).

20.- Ce fait prouve qu'à cette époque la plupart des maladies étaient attribuées au démon, et que l'on confondait, comme aujourd'hui, les possédés avec les malades, mais en sens inverse ; c'est-à-dire qu'aujourd'hui, ceux qui ne croient pas aux mauvais Esprits confondent les obsessions avec les maladies pathologiques.

Paralytique de la piscine.

21.- Après cela, la fête des Juifs étant arrivée, Jésus s'en alla à Jérusalem. - Or, il y avait à Jérusalem la piscine des Brebis, qui s'appelle en hébreu : Bethsaïda, qui avait cinq galeries, - dans lesquelles étaient couchés un grand nombre de malades, d'aveugles, de boiteux, et de ceux qui avaient les membres desséchés, qui tous attendaient que l'eau fût remuée. - Car l'ange du Seigneur, en un certain temps, descendait dans cette piscine, et en remuait l'eau ; et celui qui entrait le premier, après que l'eau avait été ainsi remuée, était guéri, quelque maladie qu'il eût.

Or, il y avait là un homme qui était malade depuis trente-huit ans. - Jésus l'ayant vu couché, et connaissant qu'il était malade depuis fort longtemps, lui dit : Voulez-vous être guéri ? - Le malade répondit : Seigneur, je n'ai personne pour me jeter dans la piscine après que l'eau a été remuée ; et, pendant le temps que je mets à y aller, un autre y descend avant moi. - Jésus lui dit : Levez-vous, emportez votre lit et marchez. - A l'instant cet homme fut guéri ; et prenant son lit, il commença à marcher. Or, ce jour-là était un jour de sabbat.

Les Juifs dirent donc à celui qui avait été guéri : C'est aujourd'hui le sabbat ; il ne vous est pas permis d'emporter votre lit. - Il leur répondit : Celui qui m'a guéri m'a dit : Emportez votre lit et marchez. - Ils lui demandèrent : Qui donc est cet homme qui vous a dit : Emportez votre lit et marchez ? - Mais celui qui avait été guéri ne savait pas lui-même qui il était, car Jésus s'était retiré de la foule du peuple qui était là.

Depuis, Jésus trouva cet homme dans le Temple, et lui dit : Vous voyez que vous êtes guéri, ne péchez plus à l'avenir, de peur qu'il ne vous arrive quelque chose de pis.

Cet homme s'en alla trouver les Juifs, et leur dit que c'était Jésus qui l'avait guéri. - Et c'est pour cette raison que les Juifs persécutaient Jésus, parce qu'il faisait ces choses-là le jour du sabbat. - Alors Jésus leur dit : Mon Père ne cesse point d'agir jusqu'à présent, et j'agis aussi incessamment (Saint Jean, ch. V, v. de 1 à 17).

22.- Piscine (du mot latin piscis, poisson) se disait, chez les Romains, des réservoirs ou viviers où l'on nourrissait des poissons. Plus tard, l'acception de ce mot fut étendue aux bassins où l'on se baignait en commun.

La piscine de Bethsaïda, à Jérusalem, était une citerne, près du Temple, alimentée par une source naturelle, dont l'eau paraît avoir eu des propriétés curatives. C'était sans doute une source intermittente, qui, à certaines époques, jaillissait avec force et remuait l'eau. Selon la croyance vulgaire, ce moment était le plus favorable aux guérisons ; peut-être qu'en réalité, au moment de sa sortie, l'eau avait une propriété plus active, ou que l'agitation produite par l'eau jaillissante remuait la vase salutaire dans certaines maladies. Ces effets sont très naturels et parfaitement connus aujourd'hui ; mais alors les sciences étaient peu avancées, et l'on voyait une cause surnaturelle dans la plupart des phénomènes incompris. Les Juifs attribuaient donc l'agitation de cette eau à la présence d'un ange, et cette croyance leur semblait d'autant mieux fondée, qu'à ce moment l'eau était plus salutaire.

Après avoir guéri cet homme, Jésus lui dit : « A l'avenir ne péchez plus, de peur qu'il ne vous arrive quelque chose de pis. » Par ces paroles, il lui fait entendre que sa maladie était une punition, et que, s'il ne s'améliore pas, il pourra être de nouveau puni encore plus rigoureusement. Cette doctrine est entièrement conforme à celle qu'enseigne le Spiritisme.

23.- Jésus semblait prendre à tâche d'opérer ses guérisons le jour du sabbat, pour avoir occasion de protester contre le rigorisme des pharisiens touchant l'observation de ce jour. Il voulait leur montrer que la vraie piété ne consiste pas dans l'observance des pratiques extérieures et des choses de forme, mais qu'elle est dans les sentiments du coeur. Il se justifie en disant : « Mon Père ne cesse point d'agir jusqu'à présent, et j'agis aussi incessamment ; » c'est-à-dire Dieu ne suspend point ses oeuvres ni son action sur les choses de la nature le jour du sabbat ; il continue à faire produire ce qui est nécessaire à votre nourriture et à votre santé, et je suis son exemple.

Aveugle-né.

24.- Lorsque Jésus passait, il vit un homme qui était aveugle dès sa naissance ; - et ses disciples lui firent cette demande : Maître, est-ce le péché de cet homme, ou le péché de ceux qui l'ont mis au monde, qui est cause qu'il est né aveugle ?

Jésus leur répondit : Ce n'est point qu'il a péché, ni ceux qui l'ont mis au monde ; mais c'est afin que les oeuvres de la puissance de Dieu éclatent en lui. Il faut que je fasse les oeuvres de celui qui m'a envoyé pendant qu'il est jour ; la nuit vient, dans laquelle personne ne peut agir. - Tant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde.

Après avoir dit cela, il cracha à terre, et ayant fait de la boue avec sa salive, il oignit de cette boue les yeux de l'aveugle, - et lui dit : Allez vous laver dans la piscine de Siloé qui signifie Envoyé. Il y alla donc, il s'y lava, et en revint voyant clair.

Ses voisins et ceux qui l'avaient vu auparavant demander l'aumône, disaient : N'est-ce pas celui qui était assis, et qui demandait l'aumône ? Les uns répondaient : C'est lui ; - d'autres disaient : Non, c'est un qui lui ressemble. Mais il leur disait : C'est moi-même. - Ils lui dirent donc : Comment vos yeux se sont-ils ouverts ? - Il leur répondit : Cet homme qu'on appelle Jésus a fait de la boue et en a oint mes yeux, et m'a dit : Allez à la piscine de Siloé et vous y lavez. J'y ai été, je m'y suis lavé, et je vois. - Ils lui dirent : Où est-il ? Il leur répondit : Je ne sais.

Alors ils amenèrent aux pharisiens cet homme qui avait été aveugle. - Or, c'était le jour du sabbat que Jésus avait fait cette boue et lui avait ouvert les yeux.

Les pharisiens l'interrogèrent donc aussi eux-mêmes pour savoir comment il avait recouvré la vue. Et il leur dit : Il m'a mis de la boue sur les yeux ; je me suis lavé et je vois. - Sur quoi quelques-uns des pharisiens dirent : Cet homme n'est point envoyé de Dieu, puisqu'il ne garde point le sabbat. Mais d'autres disaient : Comment un méchant homme pourrait-il faire de tels prodiges ? Et il y avait sur cela de la division entre eux.

Ils dirent donc de nouveau à l'aveugle : Et toi, que dis-tu de cet homme qui t'a ouvert les yeux ? Il répondit : Je dis que c'est un prophète. - Mais les Juifs ne crurent point que cet homme eût été aveugle, et qu'il eût recouvré la vue, jusqu'à ce qu'ils eussent fait venir son père et sa mère, - qu'ils interrogèrent, en leur disant : Est-ce là votre fils que vous dites être né aveugle ? Comment donc voit-il maintenant ? Le père et la mère répondirent : - Nous savons que c'est là notre fils, et qu'il est né aveugle ; - mais nous ne savons comment il voit maintenant, et nous ne savons pas non plus qui lui a ouvert les yeux. Interrogez-le ; il a de l'âge, qu'il réponde pour lui-même.

Son père et sa mère parlaient de la sorte, parce qu'ils craignaient les Juifs ; car les Juifs avaient déjà résolu ensemble que quiconque reconnaîtrait Jésus pour être le Christ, serait chassé de la synagogue. - Ce fut ce qui obligea le père et la mère de répondre : Il a de l'âge, interrogez-le lui-même.

Ils appelèrent donc une seconde fois cet homme qui avait été aveugle, et lui dirent : Rends gloire à Dieu ; nous savons que cet homme est un pécheur. - Il leur répondit : Si c'est un pécheur, je n'en sais rien ; mais tout ce que je sais, c'est que j'étais aveugle, et je vois maintenant. - Ils lui dirent encore : Que t'a-t-il fait, et comment t'a-t-il ouvert les yeux ? - Il leur répondit : Je vous l'ai déjà dit, et vous l'avez entendu ; pourquoi voulez-vous l'entendre encore une fois ? Est-ce que vous voulez devenir ses disciples ? - Sur quoi, ils le chargèrent d'injures, et lui dirent : Sois toi-même son disciple ; pour nous, nous sommes les disciples de Moïse. - Nous savons que Dieu a parlé à Moïse, mais pour celui-ci nous ne savons d'où il sort.

Cet homme leur répondit : C'est ce qui est étonnant que vous ne sachiez pas d'où il est, et qu'il m'ait ouvert les yeux. - Or, nous savons que Dieu n'exauce point les pécheurs ; mais si quelqu'un l'honore et qu'il fasse sa volonté, c'est celui-là qu'il exauce. - Depuis que le monde est, on n'a jamais entendu dire que personne ait ouvert les yeux à un aveugle-né. - Si cet homme n'était point envoyé de Dieu, il ne pourrait rien faire de tout ce qu'il a fait.

Ils lui répondirent : Tu n'es que péché dès le ventre de ta mère, et tu veux nous enseigner ? Et ils le chassèrent (Saint Jean, ch. IX, v. de 1 à 34).

25.- Ce récit, si simple et si naïf, porte en soi un caractère évident de vérité. Rien de fantastique ni de merveilleux ; c'est une scène de la vie réelle prise sur le fait. Le langage de cet aveugle est bien celui de ces hommes simples chez lesquels le savoir est suppléé par le bon sens, et qui rétorquent les arguments de leurs adversaires avec bonhomie, et par des raisons qui ne manquent ni de justesse, ni d'à-propos. Le ton des pharisiens n'est-il pas celui de ces orgueilleux qui n'admettent rien au-dessus de leur intelligence, et s'indignent à la seule pensée qu'un homme du peuple puisse leur en remontrer ? Sauf la couleur locale des noms, on se croirait de notre temps.

Etre chassé de la synagogue équivalait à être mis hors de l'Eglise ; c'était une sorte d'excommunication. Les Spirites, dont la doctrine est celle du Christ interprétée selon le progrès des lumières actuelles, sont traités comme les Juifs qui reconnaissaient Jésus pour le Messie ; en les excommuniant, on les met hors de l'Eglise, comme firent les scribes et les pharisiens à l'égard des partisans de Jésus. Ainsi, voici un homme qui est chassé, parce qu'il ne peut croire que celui qui l'a guéri soit un possédé du démon, et parce qu'il glorifie Dieu de sa guérison ! N'est-ce pas ce que l'on fait à l'égard des Spirites ? Ce qu'ils obtiennent : sages conseils des Esprits, retour à Dieu et au bien, guérisons, tout est l'oeuvre du diable et on leur jette l'anathème. N'a-t-on pas vu des prêtres dire, du haut de la chaire, qu'il valait mieux rester incrédule que de revenir à la foi par le Spiritisme ? N'en a-t-on pas vu dire à des malades qu'ils ne devaient se faire guérir par les Spirites qui possèdent ce don, parce que c'est un don satanique ? D'autres prêchent que les malheureux ne devaient pas accepter le pain distribué par les Spirites, parce que c'était le pain du diable ? Que disaient et que faisaient de plus les prêtres juifs et les pharisiens ? Du reste, il est dit que tout doit se passer aujourd'hui comme au temps du Christ.

Cette demande des disciples : Est-ce le péché de cet homme qui est cause qu'il est aveugle ? indique l'intuition d'une existence antérieure, autrement elle n'aurait pas de sens ; car le péché qui serait la cause d'une infirmité de naissance devrait avoir été commis après la naissance et, par conséquent, dans une existence antérieure. Si Jésus avait vu là une idée fausse, il leur aurait dit : « Comment cet homme aurait-il pu pécher avant d'être né ? » Au lieu de cela, il leur dit que cet homme est aveugle, ce n'est pas qu'il ait péché, mais afin que la puissance de Dieu éclate en lui, c'est-à-dire qu'il devait être l'instrument d'une manifestation de la puissance de Dieu. Si ce n'était pas une expiation du passé, c'était une épreuve qui devait servir à son avancement, car Dieu, qui est juste, ne pouvait lui imposer une souffrance sans compensation.

Quant au moyen employé pour le guérir, il est évident que l'espèce de boue faite avec de la salive et de la terre ne pouvait avoir de vertu que par l'action du fluide guérisseur dont elle était imprégnée ; c'est ainsi que les substances les plus insignifiantes : l'eau, par exemple, peuvent acquérir des qualités puissantes et effectives sous l'action du fluide spirituel ou magnétique auquel elles servent de véhicule, ou, si l'on veut, de réservoir.

Nombreuses guérisons de Jésus.

26.- Jésus allait par toute la Galilée, enseignant dans les synagogues, prêchant l'Evangile du royaume, et guérissant toutes les langueurs et toutes les maladies parmi le peuple. - Et sa réputation s'étant répandue par toute la Syrie, ils lui présentaient tous ceux qui étaient malades, et diversement affligés de maux et de douleurs, les possédés, les lunatiques, les paralytiques, et il les guérissait ; - et une grande multitude de peuple le suivit de la Galilée, de la Décapole, de Jérusalem, de la Judée, et d'au-delà du Jourdain. (Saint Matth., ch. IV, v. 23, 24, 25).

27.- De tous les faits qui témoignent de la puissance de Jésus, les plus nombreux sont, sans contredit, les guérisons ; il voulait prouver par là que la vraie puissance est celle qui fait le bien, que son but était de se rendre utile, et non de satisfaire la curiosité des indifférents par des choses extraordinaires.

En soulageant la souffrance, il s'attachait les gens par le coeur, et se faisait des prosélytes plus nombreux et plus sincères que s'ils n'eussent été frappés que par le spectacle des yeux. Par ce moyen il se faisait aimer, tandis que, s'il se fût borné à produire des effets matériels surprenants, comme en demandaient les pharisiens, la plupart n'auraient vu en lui qu'un sorcier et un habile jongleur que les désoeuvrés, eussent été voir pour se distraire.

Ainsi, quand Jean-Baptiste envoie à lui ses disciples pour lui demander s'il est le Christ, il ne dit pas : « Je le suis, » car tout imposteur aurait pu en dire autant ; il ne leur parle ni de prodiges, ni de choses merveilleuses, mais il leur répond simplement : « Allez dire à Jean : Les aveugles voient, les malades sont guéris, les sourds entendent, l'Evangile est annoncé aux pauvres. » C'était lui dire : « Reconnaissez-moi à mes oeuvres, jugez l'arbre à son fruit, » car là est le véritable caractère de sa mission divine.

28.- C'est aussi par le bien qu'il fait que le Spiritisme prouve sa mission providentielle. Il guérit les maux physiques, mais il guérit surtout les maladies morales, et ce sont là les plus grands prodiges par lesquels il s'affirme. Ses plus sincères adeptes ne sont pas ceux qui n'ont été frappés que par la vue des phénomènes extraordinaires, mais ceux qui ont été touchés au coeur par la consolation : ceux qui ont été délivrés des tortures du doute ; ceux dont le courage a été relevé dans les afflictions, qui ont puisé la force dans la certitude de l'avenir qu'il est venu leur apporter, dans la connaissance de leur être spirituel et de sa destinée. Voilà ceux dont la foi est inébranlable, parce qu'ils sentent et comprennent.

Ceux qui ne voient dans le Spiritisme que des effets matériels ne peuvent comprendre sa puissance morale ; aussi les incrédules, qui ne le connaissent que par des phénomènes dont ils n'admettent pas la cause première, ne voient dans les Spirites que des jongleurs et des charlatans. Ce n'est donc pas par des prodiges que le Spiritisme triomphera de l'incrédulité : c'est en multipliant ses bienfaits moraux, car si les incrédules n'admettent pas les prodiges, ils connaissent, comme tout le monde, la souffrance et les afflictions, et personne ne refuse les soulagements et les consolations.

POSSEDES.

29.- Ils vinrent ensuite à Capharnaüm ; et Jésus, entrant d'abord, au jour du sabbat, dans la synagogue il les instruisait ; - et ils étaient étonnés de sa doctrine, parce qu'il les instruisait comme ayant autorité, et non pas comme les scribes.

Or il se trouva dans la synagogue un homme, possédé d'un Esprit impur, qui s'écria - en disant : Qu'y a-t-il entre vous et nous, Jésus de Nazareth ? Etes-vous venu pour nous perdre ? Je sais qui vous êtes : vous êtes le saint de Dieu. - Mais Jésus, lui parlant avec menace, lui dit : Tais-toi et sors de cet homme. - Alors l'Esprit impur, s'agitant avec de violentes convulsions, et jetant un grand cri, sortit de lui.

Tous en furent si surpris, qu'ils se demandaient les uns aux autres : Qu'est-ce que ceci ? et quelle est cette nouvelle doctrine ? Il commande avec empire, même aux Esprits impurs, et ils lui obéissent (Saint Marc, ch. I, v. de 21 à 27).

30.- Après qu'ils furent sortis, on lui présenta un homme muet possédé du démon. - Le démon ayant été chassé, le muet parla, et le peuple en fut dans l'admiration, et ils disaient : On n'a jamais rien vu de semblable en Israël.

Mais les Pharisiens disaient au contraire : C'est par le prince des démons qu'il chasse les démons (Saint Matth., ch. IX, v. 32, 33, 34).

31.- Lorsqu'il fut venu au lieu où étaient les autres disciples, il vit une grande multitude de personnes autour d'eux, et des scribes qui disputaient avec eux. - Aussitôt tout le peuple, ayant aperçu Jésus, fut saisi d'étonnement et de frayeur ; étant accourus, ils le saluèrent.

Alors il leur demanda : De quoi disputez-vous ensemble ? - Et un homme d'entre le peuple, prenant la parole, lui dit : Maître, je vous ai amené mon fils qui est possédé d'un Esprit muet ; - et en quelque lieu qu'il se saisisse de lui, il le jette contre terre, et l'enfant écume, grince des dents, et devient tout sec. J'ai prié vos disciples de le chasser, mais ils ne l'ont pu.

Jésus leur répondit : O gens incrédules, jusqu'à quand serai-je avec vous ? Jusqu'à quand vous souffrirai-je ? Amenez-le-moi ! - Ils le lui amenèrent ; et il n'eut pas plus tôt vu Jésus, que l'Esprit commença à l'agiter avec violence, et il tomba par terre où il se roulait en écumant.

Jésus demanda au père de l'enfant : Combien y a-t-il que cela lui arrive ? - Dès son enfance, dit le père - Et l'Esprit l'a souvent jeté, tantôt dans le feu, et tantôt dans l'eau pour le faire périr ; mais si vous pouvez quelque chose, ayez compassion de nous et nous secourez.

Jésus lui répondit : Si vous pouvez croire, tout est possible à celui qui croit. - Aussitôt le père de l'enfant s'écriant, lui dit avec larmes : Seigneur, je crois, aidez-moi dans mon incrédulité.

Et Jésus, voyant que le peuple accourait en foule, parla avec menace à l'Esprit impur, et lui dit : Esprit sourd et muet, sors de l'enfant, je te le commande, et n'y rentre plus. - Alors, cet Esprit ayant jeté un grand cri, et l'ayant agité par de violentes convulsions, sortit, et l'enfant demeura comme mort, de sorte que plusieurs disaient qu'il était mort. - Mais Jésus l'ayant pris par la main, et le soulevant, il se leva.

Lorsque Jésus fut entré dans la maison, ses disciples lui dirent en particulier : D'où vient que nous n'avons pu chasser ce démon ? - Il leur répondit : Ces sortes de démons ne peuvent être chassés par aucun autre moyen que par la prière et par le jeûne (Saint Marc, ch. IX, v. de 13 à 28).

32.- Alors on lui présenta un possédé aveugle et muet, et il le guérit, en sorte qu'il commença à parler et à voir. - Tout le peuple en fut rempli d'admiration, et ils disaient : N'est-ce point là le fils de David ?

Mais les pharisiens entendant cela, disaient : Cet homme ne chasse les démons que par la vertu de Belzébuth, prince des démons.

Or Jésus, connaissant leurs pensées, leur dit : Tout royaume divisé contre lui-même sera ruiné ; et toute ville ou maison qui est divisée contre elle-même ne pourra subsister. - Si Satan chasse Satan, il est divisé contre soi-même ; comment donc son royaume subsistera-t-il ? - Et si c'est par Belzébuth que je chasse les démons, par qui vos enfants les chassent-ils ? C'est pourquoi ils seront eux-mêmes vos juges. - Si je chasse les démons par l'Esprit de Dieu, le royaume de Dieu est donc parvenu jusqu'à vous (Saint Matth., ch. XII, v. 22 à 28).

33.- Les délivrances de possédés figurent, avec les guérisons, parmi les actes les plus nombreux de Jésus. Parmi les faits de cette nature, il en est, comme celui qui est rapporté ci-dessus, n° 30, où la possession n'est pas évidente. Il est probable qu'à cette époque, comme il arrive encore de nos jours, on attribuait à l'influence des démons toutes les maladies dont la cause était inconnue, principalement le mutisme, l'épilepsie et la catalepsie. Mais il en est où l'action des mauvais Esprits n'est pas douteuse ; ils ont avec ceux dont nous sommes témoins une analogie si frappante, qu'on y reconnaît tous les symptômes de ce genre d'affection. La preuve de la participation d'une intelligence occulte, en pareil cas, ressort d'un fait matériel : ce sont les nombreuses guérisons radicales obtenues, dans quelques centres spirites, par la seule évocation et la moralisation des Esprits obsesseurs, sans magnétisation, ni médicaments, et souvent en l'absence et à distance du patient. L'immense supériorité du Christ lui donnait une telle autorité sur les Esprits imparfaits, alors appelés démons, qu'il lui suffisait de leur recommander de se retirer pour qu'ils ne pussent résister à cette injonction (Chap. XIV, n° 46).

34.- Le fait de mauvais Esprits envoyés dans le corps de pourceaux est contraire à toute probabilité. On s'expliquerait d'ailleurs difficilement la présence d'un aussi nombreux troupeau de porcs dans un pays où cet animal était en horreur et sans utilité pour la nourriture. Un Esprit mauvais n'en est pas moins un Esprit humain encore assez imparfait pour faire le mal après la mort, comme il le faisait auparavant, et il est contre les lois de la nature qu'il puisse animer le corps d'un animal ; il faut donc y voir une de ces amplifications communes dans les temps d'ignorances et de superstitions, ou peut-être une allégorie pour caractériser les penchants immondes de certains Esprits.

35.- Les obsédés et les possédés paraissent avoir été très nombreux en Judée, au temps de Jésus, ce qui lui donnait l'occasion d'en guérir beaucoup. Les mauvais Esprits avaient sans doute fait invasion dans ce pays et causé une épidémie de possessions (Chap. XIV, n° 49).

Sans être à l'état épidémique, les obsessions individuelles sont extrêmement fréquentes et se présentent sous des aspects très variés, qu'une connaissance approfondie du Spiritisme fait aisément reconnaître ; elles peuvent souvent avoir des conséquences fâcheuses pour la santé, soit en aggravant des affections organiques, soit en les déterminant. Elles seront incontestablement un jour rangées parmi les causes pathologiques requérant, par leur nature spéciale, des moyens curatifs spéciaux. Le Spiritisme, en faisant connaître la cause du mal, ouvre une nouvelle voie à l'art de guérir, et fournit à la science le moyen de réussir là où elle n'échoue souvent que faute de s'attaquer à la cause première du mal (Livre des Médiums, chap. XXIII).

36.- Jésus était accusé par les Pharisiens de chasser les démons par les démons ; le bien qu'il faisait était, selon eux, l'oeuvre de Satan, sans réfléchir que Satan se chassant lui-même ferait un acte d'insensé. Il est remarquable que les Pharisiens de ce temps là prétendaient déjà que toute faculté transcendante et, pour ce motif, réputée surnaturelle, était l'oeuvre du démon, puisque, selon eux, Jésus même tenait de lui sa puissance ; c'est un point de plus de similitude avec l'époque actuelle, et cette doctrine est encore celle que l'Eglise cherche à faire prévaloir aujourd'hui contre les manifestations spirites[1].

RESURRECTIONS.
Fille de Jaïre.


37.- Jésus étant encore repassé dans la barque à l'autre bord, lorsqu'il était auprès de la mer, une grande multitude de peuple s'assembla autour de lui. Et un chef de Synagogue, nommé Jaïre, vint le trouver ; et le trouvant, il se jeta à ses pieds, - et le suppliait avec grande instance, en lui disant : J'ai une fille qui est à l'extrémité ; venez lui imposer les mains pour la guérir et lui sauver la vie.

Jésus s'en alla avec lui, et il était suivi d'une grande foule de peuple qui le pressait.

Lorsqu'il (Jaïre) parlait encore, il vint des gens du chef de la Synagogue, qui lui dirent : Votre fille est morte ; pourquoi voulez-vous donner au Maître la peine d'aller plus loin ? - Mais Jésus, ayant entendu cette parole, dit au chef de la synagogue : Ne craignez point, croyez seulement. - Et il ne permit à personne de la suivre, sinon à Pierre, à Jacques et à Jean, frère de Jacques.

Etant arrivé dans la maison de ce chef de la synagogue il y vit une troupe confuse de personnes qui pleuraient et qui jetaient de grands cris ; - et en entrant il leur dit : Pourquoi faites-vous tant de bruit, et pourquoi pleurez-vous ? Cette fille n'est pas morte, elle n'est qu'endormie. - Et ils se moquaient de lui. Ayant fait sortir tout le monde, il prit le père et la mère de l'enfant et ceux qui étaient venus avec lui, et il entra au lieu où la fille était couchée. - Il la prit par la main et lui dit : Talitha cumi, c'est-à-dire : Ma fille, levez-vous je vous le commande. - Au même instant, la fille se leva et se mit à marcher ; car elle avait douze ans, et ils furent merveilleusement étonnés (Saint Marc, ch. V, v. de 21 à 43).

Fils de la veuve de Naïm.

38.- Le jour suivant, Jésus allait en une ville appelée Naïm, et ses disciples l'accompagnaient avec une grande foule de peuple. - Lorsqu'il était près de la porte de la ville, il arriva qu'on portait en terre un mort, qui était fils unique de sa mère et cette femme était veuve, et il y avait une grande quantité de personnes de la ville avec elle. - Le Seigneur l'ayant vue fut touché de compassion envers elle, et lui dit : Ne pleurez point. - Puis s'approchant, il toucha le cercueil, et ceux qui le portaient s'arrêtèrent. Alors il dit : Jeune homme, levez-vous, je vous le commande. - En même temps, le mort se leva sur son séant, et commença à parler, et Jésus le rendit à sa mère.

Tous ceux qui étaient présents furent saisis de frayeur, et ils glorifiaient Dieu en disant : Un grand prophète a paru au milieu de nous, et Dieu a visité son peuple. - Le bruit de ce miracle qu'il avait fait se répandit dans toute la Judée et dans tous les pays d'alentour (Saint Luc, ch. VII, v. de 11 à 17).

39.- Le fait du retour de la vie corporelle d'un individu, réellement mort, serait contraire aux lois de la nature, et, par conséquent, plus miraculeux. Or, il n'est pas nécessaire de recourir à cet ordre de faits pour expliquer les résurrections opérées par le Christ.

Si, parmi nous, les apparences trompent parfois les gens de l'art, les accidents de cette nature devaient être bien autrement fréquents dans un pays où l'on ne prenait aucune précaution, et où l'ensevelissement était immédiat[2]. Il y a donc toute probabilité que, dans les deux exemples ci-dessus, il n'y avait que syncope ou léthargie. Jésus lui-même le dit positivement de la faille de Jaïr : Cette fille, dit-il, n'est pas morte, elle n'est qu'endormie.

D'après la puissance fluidique que possédait Jésus, il n'y a rien d'étonnant que ce fluide vivifiant, dirigé par une forte volonté, ait ranimé les sens engourdis ; qu'il ait même pu rappeler dans le corps l'Esprit prêt à le quitter, tant que le lien périsprital n'était pas définitivement rompu. Pour les hommes de ce temps, qui croyaient l'individu mort dès qu'il ne respirait plus, il y avait résurrection, et ils ont pu l'affirmer de très bonne foi, mais il y avait, en réalité, guérison et non résurrection dans l'acception du mot.

40.- La résurrection de Lazare, quoi qu'on en dise, n'infirme nullement ce principe. Il était, dit-on, depuis quatre jours dans le sépulcre ; mais on sait qu'il y a des léthargies qui durent huit jours et plus. On ajoute qu'il sentait mauvais, ce qui est un signe de décomposition. Cette allégation ne prouve rien non plus, attendu que chez certains individus il y a décomposition partielle du corps, même avant la mort, et qu'ils exhalent une odeur de pourriture. La mort n'arrive que lorsque les organes essentiels à la vie sont attaqués.

Et qui pouvait savoir s'il sentait mauvais ? C'est sa soeur Marthe qui le dit, mais comment le savait-elle ? Lazare étant enterré depuis quatre jours, elle le supposait, mais ne pouvait en avoir la certitude (Chap. XIV, n° 29).[3]

JESUS MARCHE SUR L'EAU.

41.- Aussitôt, Jésus obligea ses disciples de monter dans la barque et de passer à l'autre bord avant lui, pendant qu'il renverrait le peuple. - Après l'avoir renvoyé, il monta seul sur une montagne pour prier, et le soir étant venu, il se trouva seul en ce lieu là.

Cependant la barque était fort battue des flots au milieu de la mer, parce que le vent était contraire. - Mais à la quatrième veille de la nuit, Jésus vint à eux marchant sur la mer[4]. - Lorsqu'ils le virent marcher ainsi sur la mer, ils furent troublés, et ils disaient : C'est un fantôme, et ils s'écrièrent de frayeur. Aussitôt Jésus leur parla et leur dit : Rassurez-vous, c'est moi, ne craignez point.

Pierre lui répondit : Seigneur, si c'est vous, commandez que j'aille à vous en marchant sur les eaux. Jésus lui dit : Venez. Et Pierre, descendant de la barque, marchait sur l'eau pour aller à Jésus. Mais voyant un grand vent, il eut peur ; et commençant à s’enfoncer, il s'écria : Seigneur, sauvez-moi. - Aussitôt Jésus, lui tendant la main, le prit et lui dit : Homme de peu de foi, pourquoi avez-vous douté ? - Et étant monté dans la barque, le vent cessa. - Alors ceux qui étaient dans cette barque, s'approchant de lui, l'adorèrent en lui disant : Vous êtes vraiment fils de Dieu (Saint Matth., ch. XIV, v. de 22 à 23).

42.- Ce phénomène trouve son explication naturelle dans les principes exposés ci-dessus, chap. XIV, n° 43.

Des exemples analogues prouvent qu'il n'est ni impossible ni miraculeux, puisqu'il est dans les lois de la nature. Il peut s'être produit de deux manières.

Jésus, quoique vivant, a pu apparaître sur l'eau sous une forme tangible, tandis que son corps charnel était ailleurs ; c'est l'hypothèse la plus probable. On peut même reconnaître, dans le récit, certains signes caractéristiques des apparitions tangibles (Chap. XIV, n° 35 à 37).

D'un autre côté, son corps aurait pu être soutenu, et sa pesanteur être neutralisée par la même force fluidique qui maintient une table dans l'espace sans point d'appui. Le même effet s'est plusieurs fois produit sur des corps humains.

TRANSFIGURATION.

43.- Six jours après, Jésus ayant pris Pierre, Jacques et Jean, les mena seuls avec lui sur une haute montagne à l'écart[5], et il fut transfiguré devant eux. - Et pendant qu'il faisait sa prière, son visage parut tout autre ; ses vêtements devinrent tout brillants de lumière, et blancs comme la neige, en sorte qu'il n'y a point de foulon sur la terre qui puisse en faire d'aussi blancs. - Et ils virent paraître Elie et Moïse qui s'entretenaient avec Jésus.

Alors Pierre dit à Jésus : Maître, nous sommes bien ici ; faisons-y trois tentes : une pour vous, une pour Moïse et une pour Elie ; - car il ne savait ce qu'il disait, tant il était effrayé.

En même temps, il parut une nuée qui les couvrit ; et il sortit de cette nuée une voix qui fit entendre ces mots : Celui-ci est mon fils bien-aimé ; écoutez-le.

Aussitôt, regardant de tous côtés, ils ne virent plus personne que Jésus, qui était demeuré avec eux.

Lorsqu'ils descendaient de la montagne, il leur commanda de ne parler à personne de ce qu'ils avaient vu, jusqu'à ce que le fils de l'homme fût ressuscité d'entre les morts. - Et ils tinrent les choses secrètes, s'entre-demandant ce qu'il voulait dire par ces mots : Jusqu'à ce que le Fils de l'homme fût ressuscité d'entre les morts. (St Marc, ch. IX, v. de 1 à 9).

44.- C'est encore dans les propriétés du fluide périsprital qu'on peut trouver la raison de ce phénomène. La transfiguration, expliquée chap. XIV, n° 39, est un fait assez ordinaire qui, par suite du rayonnement fluidique, peut modifier l'apparence d'un individu ; mais la pureté du périsprit de Jésus a pu permettre à son Esprit de lui donner un éclat exceptionnel. Quant à l'apparition de Moïse et d'Elie, elle rentre entièrement dans le cas de tous les phénomènes du même genre (chap. XIV, n° 35 et suivants).

De toutes les facultés qui se sont révélées en Jésus, il n'en est aucune qui soit en dehors des conditions de l'humanité, et qu'on ne rencontre chez le commun des hommes, parce qu'elles sont dans la nature ; mais par la supériorité de son essence morale et de ses qualités fluidiques, elles atteignaient chez lui des proportions au-dessus de celles du vulgaire. Il nous représentait, à part son enveloppe charnelle, l'état des purs Esprits.

TEMPETE APAISEE.

45.- Un jour, étant monté sur une barque avec ses disciples, il leur dit : Passons à l'autre bord du lac. Ils partirent donc. Et comme ils passaient, il s'endormit. - Alors un grand tourbillon de vent vint tout à coup fondre sur le lac, en sorte que leur barque s'emplissant d'eau, ils étaient en péril. Ils s'approchèrent donc de lui, et l'éveillèrent, en lui disant : Maître, nous périssons. Jésus, s'étant levé, parla avec menace aux vents et aux flots agités, et ils s'apaisèrent, et il se fit un grand calme. - Alors il leur dit : Où donc est votre foi ? Mais eux, remplis de crainte et d'admiration, se disaient l'un à l'autre : Quel est donc celui-ci, qui commande de la sorte aux vents et aux flots, et à qui ils obéissent ? (Saint Luc, ch. VIII, v. de 22 à 25).

46.- Nous ne connaissons pas encore assez les secrets de la nature pour affirmer s'il y a, oui ou non, des intelligences occultes qui président à l'action des éléments. Dans l'hypothèse de l'affirmative, le phénomène en question pourrait être le résultat d'un acte d'autorité sur ces mêmes intelligences, et prouverait une puissance qu'il n'est donné à aucun homme d'exercer.

Dans tous les cas, Jésus, dormant tranquillement pendant la tempête, atteste une sécurité qui peut s'expliquer par ce fait que son Esprit voyait qu'il n'y avait aucun danger, et que l'orage allait s'apaiser.

NOCES DE CANA.

Ce miracle, mentionné dans le seul Evangile de saint Jean, est indiqué comme étant le premier que Jésus ait fait, et à ce titre il aurait dû être d'autant plus remarqué ; il faut qu'il ait produit bien peu de sensation, puisque aucun autre évangéliste n'en parle. Un fait aussi extraordinaire aurait dû étonner au plus haut point les convives, et surtout le maître de la maison, qui ne paraissent pas même s'en être aperçus.

Considéré en lui-même, ce fait a peu d'importance comparativement à ceux qui témoignent véritablement des qualités spirituelles de Jésus. En admettant que les choses se soient passées comme elles sont rapportées, il est remarquable que c'est le seul phénomène de ce genre qu'il ait produit ; il était d'une nature trop élevée pour s'attacher à des effets purement matériels propres seulement à piquer la curiosité de la foule, qui l'eût assimilé à un magicien ; il savait que les choses utiles lui conquerraient plus de sympathie et lui amèneraient plus d'adeptes que celles qui pouvaient passer pour des tours d'adresse et ne touchaient point le coeur (n° 27).

Bien qu'à la rigueur le fait puisse s'expliquer jusqu'à un certain point par une action fluidique qui, ainsi que le magnétisme en offre des exemples, aurait changé les propriétés de l'eau en lui donnant le goût du vin, cette hypothèse est peu probable, attendu qu'en pareil cas l'eau n'ayant que le goût du vin, aurait conservé sa couleur, ce qui n'eût pas manqué d'être remarqué. Il est plus rationnel d'y voir une de ces paraboles si fréquentes dans les enseignements de Jésus, comme celle de l'Enfant prodigue, du festin de noces, du mauvais riche, du figuier desséché, et tant d'autres qui ont cependant le caractère des faits accomplis. Il aura fait pendant le repas une allusion au vin et à l'eau, d'où il aura tiré une instruction. Ce qui justifie cette opinion, ce sont les paroles que lui adresse à ce sujet le maître d'hôtel : « Tout homme sert d'abord le bon vin, et après qu'on en a beaucoup bu, il en sert alors de moindre ; mais pour vous, vous avez réservé le bon vin jusqu'à cette heure ».

Entre deux hypothèses, il faut choisir la plus rationnelle, et les Spirites ne sont pas gens assez crédules pour ne voir partout que des faits de manifestations, ni assez absolus pour prétendre tout expliquer par les fluides.

MULTIPLICATION DES PAINS.

48.- La multiplication des pains est un des miracles qui ont le plus intrigué les commentateurs, en même temps qu'il a défrayé la verve des incrédules. Sans se donner la peine d'en sonder le sens allégorique, ces derniers n'y ont vu qu'un conte puéril ; mais la plupart des gens sérieux ont vu dans ce récit, quoique sous une forme différente de la forme ordinaire, une parabole comparant la nourriture spirituelle de l'âme à la nourriture du corps.

On peut y voir cependant plus qu'une figure, et admettre, à certain point de vue, la réalité d'un fait matériel, sans pour cela recourir au prodige. On sait qu'une grande préoccupation d'esprit, l'attention soutenue donnée à une chose font oublier la faim. Or, ceux qui suivaient Jésus étaient des gens avides de l'entendre ; il n'y a donc rien d'étonnant que, fascinés par sa parole et peut-être aussi par la puissante action magnétique qu'il exerçait sur eux, ils n'aient pas éprouvé le besoin matériel de manger.

Jésus, qui prévoyait ce résultat, a donc pu tranquilliser ses disciples en disant, dans le langage figuré qui lui était habituel, en admettant qu'on ait réellement apporté quelques pains, que ces pains suffiraient pour rassasier la foule. En même temps il donnait à ceux-ci une leçon : « Donnez-leur vous-mêmes à manger, » disait-il ; il leur enseignait par là qu'eux aussi pouvaient nourrir par la parole.

Ainsi, à côté du sens allégorique moral, il a pu se produire un effet physiologique naturel très connu. Le prodige, dans ce cas, est dans l'ascendant de la parole de Jésus, assez puissante pour captiver l'attention d'une foule immense au point de lui faire oublier de manger. Cette puissance morale témoigne de la supériorité de Jésus, bien plus que le fait purement matériel de la multiplication des pains, qui doit être considéré comme une allégorie.

Cette explication se trouve d'ailleurs confirmée par Jésus lui-même, dans les deux passages suivants :

Le levain des pharisiens.

49.- Or ses disciples étant passés au-delà de l'eau, avaient oublié de prendre des pains. - Jésus leur dit : Ayez soin de vous garder du levain des pharisiens et des saducéens. - Mais ils pensaient et disaient entre eux : C'est parce que nous n'avons point pris de pains.

Ce que Jésus connaissant, il leur dit : Hommes de peu de foi, pourquoi vous entretenez-vous ensemble de ce que vous n'avez point pris de pains ? Ne comprenez-vous point encore et ne vous souvient-il point que cinq pains ont suffi pour cinq mille hommes, et combien vous en avez emporté de paniers ? - Comment ne comprenez-vous point que ce n'est pas du pain que je vous parlais, lorsque je vous ai dit de vous garder du levain des pharisiens et des saducéens ?

Alors ils comprirent qu'il ne leur avait pas dit de se garder du levain qu'on met dans le pain, mais de la doctrine des pharisiens et des saducéens. (Saint Matt., ch. XVI, v. de 5 à 12).

Le pain du ciel.

50.- Le lendemain, le peuple, qui était demeuré de l'autre côté de la mer, remarqua qu'il n'y avait point eu là d'autre barque, et que Jésus n'y était point entré avec ses disciples, mais que les disciples seuls s'en étaient allés, - et comme il était depuis arrivé d'autres barques de Tibériade, près du lieu où le Seigneur, après avoir rendu grâces, les avait nourris de cinq pains ; - et qu'ils connurent enfin que Jésus n'était point là, non plus que ses disciples, ils entrèrent dans ces barques, et vinrent à Capharnaüm chercher Jésus. - Et l'ayant trouvé au-delà de la mer, ils lui dirent : Maître, quand êtes-vous venu ici ?

Jésus leur répondit : En vérité, en vérité, je vous le dis, vous me cherchez, non à cause des miracles que vous avez vus, mais parce que je vous ai donné du pain à manger, et que vous avez été rassasiés.

- Travaillez pour avoir, non la nourriture qui périt, mais celle qui demeure pour la vie éternelle, et que le Fils de L'homme vous donnera, parce que c'est en lui que Dieu le Père a imprimé son sceau et son caractère.

Ils lui dirent : Que ferons-nous pour faire des oeuvres de Dieu ? - Jésus leur répondit : L'oeuvre de Dieu est que vous croyiez en celui qu'il a envoyé.

Ils lui dirent : Quel miracle donc faites-vous, afin qu'en le voyant nous vous croyions ? Que faites-vous d'extraordinaire ? - Nos pères ont mangé la manne dans le désert ; selon ce qui est écrit : Il leur a donné à manger le pain du ciel.

Jésus leur répondit : En vérité, en vérité, je vous le dis, Moïse ne vous a point donné le pain du ciel ; mais c'est mon Père qui vous donne le véritable pain du ciel. - Car le pain de Dieu est celui qui est descendu du ciel, et qui donne la vie au monde.

Ils lui dirent donc : Seigneur, donnez-nous toujours de ce pain.

Jésus leur répondit : Je suis le pain de vie : celui qui vient à moi n'aura point faim, et celui qui croit en moi n'aura jamais soif. - Mais je vous l'ai déjà dit : vous m'avez vu et vous ne croyez point.

En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit en moi a la vie éternelle. - Je suis le pain de vie. - Vos pères ont mangé la manne dans le désert, et ils sont morts. - Mais voici le pain qui est descendu du ciel, afin que celui qui en mange ne meure point (Saint Jean, ch. VI, v. de 22 à 36 et de 47 à 50.)

51.- Dans le premier passage, Jésus, en rappelant l'effet produit précédemment, donne clairement à entendre qu'il ne s'était point agi de pains matériels ; autrement, la comparaison qu'il établit avec le levain des pharisiens eût été sans objet. « Ne comprenez-vous point encore, dit-il, et ne vous souvient-il point que cinq pains ont suffi pour cinq mille hommes, et que sept pains ont suffi pour quatre mille hommes ? Comment ne comprenez-vous point que ce n'est pas du pain que je vous parlais, lorsque je vous ai dit de vous garder du levain des pharisiens ? » Ce rapprochement n'avait aucune raison d'être dans l'hypothèse d'une multiplication matérielle. Le fait eût été assez extraordinaire en lui-même pour avoir frappé l'imagination de ces disciples, qui, cependant, ne paraissaient pas s'en souvenir.

C'est ce qui ressort non moins clairement du discours de Jésus sur le pain du ciel, dans lequel il s'attache à faire comprendre le sens véritable de la nourriture spirituelle. « Travaillez, dit-il, non pour avoir la nourriture qui périt, mais celle qui demeure pour la vie éternelle, et que le Fils de l'homme vous donnera. » Cette nourriture est sa parole, qui est le pain descendu du ciel et qui donne la vie au monde. « Je suis, dit-il, le pain de vie ; celui qui vient à moi n'aura point faim, et celui qui croit en moi n'aura jamais soif. »

Mais ces distinctions étaient trop subtiles pour ces natures abruptes, qui ne comprenaient que les choses tangibles. La manne qui avait nourri le corps de leurs ancêtres était pour eux le véritable pain du ciel ; là était le miracle. Si donc le fait de la multiplication des pains avait eu lieu matériellement, comment ces mêmes hommes, au profit desquels il se serait produit peu de jours auparavant, en auraient-ils été assez peu frappés pour dire à Jésus : « Quel miracle donc faites-vous, afin qu'en le voyant nous vous croyions ? Que faites-vous d'extraordinaire ? » C'est qu'ils entendaient par miracles les prodiges que demandaient les pharisiens, c'est-à-dire des signes dans le ciel opérés au commandement, comme par la baguette d'un enchanteur. Ce que faisait Jésus était trop simple et ne s'écartait pas assez des lois de la nature ; les guérisons même n'avaient pas un caractère assez étrange, assez extraordinaire ; les miracles spirituels n'avaient pas assez de corps pour eux.

TENTATION DE JESUS.

52.- Jésus, transporté par le diable sur le sommet du Temple, puis sur une montagne, et tenté par lui, est une de ces paraboles qui lui étaient familières et que la crédulité publique a transformées en faits matériels[6].

53.- « Jésus ne fut pas enlevé, mais il voulait faire comprendre aux hommes que l'humanité est sujette à faillir, et qu'elle doit être toujours en garde contre les mauvaises inspirations auxquelles sa nature faible la porte à céder. La tentation de Jésus est donc une figure, et il faudrait être aveugle pour la prendre à la lettre. Comment voudriez-vous que le Messie, le Verbe de Dieu incarné, ait été soumis pour un temps, si court qu'il fût, aux suggestions du démon, et que, comme le dit l'Evangile de Luc, le démon l'ait quitté, pour un temps, ce qui donnerait à penser qu'il sera encore soumis à sa puissance ? Non ; comprenez mieux les enseignements qui vous ont été donnés. L'Esprit du mal ne pouvait rien sur l'essence du bien. Personne ne dit avoir vu Jésus sur la montagne ni sur le sommet du Temple ; certes, c'eût été un fait de nature à se répandre parmi tous les peuples. La tentation ne fut donc pas un acte matériel et physique. Quant à l'acte moral, pouvez-vous admettre que l'Esprit des ténèbres pût dire à celui qui connaissait son origine et sa puissance : « Adore-moi, je te donnerai tous les royaumes de la terre ? » Le démon aurait donc ignoré quel était celui à qui il faisait de telles offres, ce qui n'est pas probable ; s'il le connaissait, sa proposition était un non-sens, car il savait bien qu'il serait repoussé par celui qui venait ruiner son empire sur les hommes.

« Comprenez donc le sens de cette parabole, car c'en est une, tout aussi bien que celles de l'Enfant prodigue et du Bon Samaritain. L'un nous montre les dangers que courent les hommes, s'ils ne résistent pas à cette voix intime qui leur crie sans cesse : « Tu peux être plus que tu n'es ; tu ne peux posséder plus que tu ne possèdes ; tu peux grandir, acquérir ; cède à la voix de l'ambition, et tous tes voeux seront comblés. » Elle vous montre le danger et le moyen de l'éviter, en disant aux mauvaises inspirations : Retire-toi, Satan ! autrement dit : Arrière la tentation !

« Les deux autres paraboles que j'ai rappelées vous montrent ce que peut encore espérer celui qui, trop faible pour chasser le démon, a succombé à ses tentations. Elles vous montrent la miséricorde du père de famille étendant sa main sur le front du fils repentant, et lui accordant, avec amour, le pardon imploré. Elles vous montrent le coupable, le schismatique, l'homme repoussé par ses frères, valant mieux, aux yeux du Juge suprême, que ceux qui le méprisent, parce qu'il pratique les vertus enseignées par la loi d'amour.

« Pesez bien les enseignements donnés dans les Evangiles ; sachez distinguer ce qui est au sens propre ou au sens figuré, et les erreurs qui vous ont aveuglés durant tant de siècles s'effaceront petit à petit, pour faire place à l'éclatante lumière de la vérité. » (Bordeaux, 1862. Jean, Evang.).

PRODIGES A LA MORT DE JESUS.

54.- Or, depuis la sixième heure du jour jusqu'à la neuvième, toute la terre fut couverte de ténèbres.

En même temps le voile du Temple se déchira en deux depuis le haut jusqu'en bas : la terre trembla, les pierres se fendirent ; - les sépulcres s'ouvrirent ; et plusieurs corps des saints, qui étaient dans le sommeil de la mort, ressuscitèrent ; - et sortant de leurs tombeaux après sa résurrection, ils vinrent dans la ville sainte, et furent vus de plusieurs personnes. (Saint Matth., ch. XXVII, v. 45, 51, 52, 53).

55.- Il est étrange que de tels prodiges, s'accomplissant au moment même où l'attention de la ville était fixée sur le supplice de Jésus, qui était l'événement du jour, n'aient pas été remarqués, puisque aucun historien n'en fait mention. Il semble impossible qu'un tremblement de terre, et toute la terre couverte de ténèbres pendant trois heures, dans un pays où le ciel est toujours d'une parfaite limpidité, aient pu passer inaperçus.

La durée de cette obscurité est bien à peu près celle d'une éclipse de soleil, mais ces sortes d'éclipses ne se produisent qu'à la nouvelle lune, et la mort de Jésus eut lieu pendant la pleine lune, le 14 du mois de nissan, jour de la Pâque des Juifs.

L'obscurcissement du soleil peut aussi être produit par les taches que l'on remarque à sa surface. En pareil cas, l'éclat de la lumière est sensiblement affaibli, mais jamais au point de produire l'obscurité et les ténèbres. En supposant qu'un phénomène de ce genre ait eu lieu à cette époque, il aurait eu une cause parfaitement naturelle[7].

Quant aux morts ressuscités, il se peut que quelques personnes aient eu des visions ou apparitions, ce qui n'est point exceptionnel ; mais, comme alors on ne connaissait pas la cause de ce phénomène, on se figurait que les individus apparus sortaient du sépulcre.

Les disciples de Jésus, émus de la mort de leur maître, y ont sans doute rattaché quelques faits particuliers auxquels ils n'auraient prêté aucune attention en d'autres temps. Il aura suffi qu'un fragment de rocher se soit détaché à ce moment, pour que des gens prédisposés au merveilleux y aient vu un prodige, et qu'en amplifiant le fait, ils aient dit que les pierres s'étaient fendues.

Jésus est grand par ses oeuvres, et non par les tableaux fantastiques dont un enthousiasme peu éclairé a cru devoir l'entourer.

APPARITIONS DE JESUS APRES SA MORT.

56.- Mais Marie (Madeleine) se tint dehors, près du sépulcre, versant des larmes. Et comme elle pleurait, s'étant baissée pour regarder dans le sépulcre, - elle vit deux anges vêtus de blanc, assis au lieu où avait été le corps de Jésus, l'un à la tête, et l'autre aux pieds. - Ils lui dirent : Femme, pourquoi pleurez-vous ? Elle leur répondit : C'est qu'ils ont enlevé mon Seigneur, et je ne sais où ils l'ont mis.

Ayant dit cela, elle se retourna, et vit Jésus debout, sans savoir néanmoins que ce fût Jésus. - Alors Jésus lui dit : Femme, pourquoi pleurez-vous ? Qui cherchez-vous ? Elle, pensant que ce fût le jardinier, lui dit : Seigneur, si c'est vous qui l'avez enlevé, dites-moi où vous l'avez mis, et je l'emporterai.

Jésus lui dit : Marie. Aussitôt elle se retourna, et lui dit : Rabboni, c'est-à-dire : Mon maître. - Jésus lui répondit : Ne me touchez pas, car je ne suis pas encore monté vers mon Père ; mais allez trouver mes frères, et dites-leur de ma part : Je monte vers mon Père et votre Père, mon Dieu et votre Dieu.

Marie-Madeleine vint donc dire aux disciples qu'elle avait vu le Seigneur, et qu'il lui avait dit ces choses (Saint Jean, ch. XX, v. de 14 à 18).

57.- Ce jour-là même, deux d'entre eux s'en allaient dans un bourg nommé Emmaüs, éloigné de soixante stades de Jérusalem, - parlant ensemble de tout ce qui s'était passé. - Et il arriva que lorsqu'ils s'entretenaient et conféraient ensemble sur cela, Jésus vint lui-même les rejoindre, et se mit à marcher avec eux ; mais leurs yeux étaient retenus, afin qu'ils ne pussent le reconnaître. - Et il leur dit : De quoi vous entretenez-vous ainsi en marchant, et d'où vient que vous êtes si tristes ?

L'un d'eux, appelé Cléophas, prenant la parole, lui dit : Etes-vous seul si étranger dans Jérusalem, que vous ne sachiez pas ce qui s'y est passé ces jours-ci ? - Et quoi ? leur dit-il. Ils lui répondirent : Touchant Jésus de Nazareth, qui a été un prophète puissant devant Dieu et devant tout le peuple ; et de quelle manière les princes des prêtres et nos sénateurs l'ont livré pour être condamné à mort et l'ont crucifié. - Or, nous espérions que ce serait lui qui rachèterait Israël, et cependant, après tout cela, voici le troisième jour que ces choses se sont passées. - Il est vrai que quelques femmes de celles qui étaient avec nous nous ont étonnés ; car, ayant été avant le jour à son sépulcre, - et n'y ayant point trouvé son corps, elles sont venues dire que des anges mêmes leur ont apparu, qui leur ont dit qu'il est vivant. - Et quelques-uns des nôtres, ayant été aussi au sépulcre, ont trouvé toutes choses comme les femmes les leur avaient rapportées ; mais pour lui, ils ne l'ont point trouvé.

Alors il leur dit : O insensés, dont le coeur est tardif à croire tout ce que les prophètes ont dit ! Ne fallait-il pas que le Christ souffrît toutes ces choses, et qu'il entrât ainsi dans la gloire ? - Et commençant par Moïse, et ensuite par tous les prophètes, il leur expliquait dans toutes les Ecritures ce qui avait été dit de lui.

Lorsqu'ils furent proches du bourg où ils allaient, il fit semblant d'aller plus loin. - Mais ils le forcèrent de s'arrêter en lui disant : Demeurez avec nous, parce qu'il est tard, et que le jour est déjà sur son déclin ; et il entra avec eux. - Etant avec eux à table, il prit le pain, et le bénit, et l'ayant rompu, il le leur donna. - En même temps leurs yeux s'ouvrirent, et ils le reconnurent ; mais il disparut de devant leurs yeux.

Alors ils se dirent l'un à l'autre : N'est-il pas vrai que notre coeur était tout brûlant dans nous, lorsqu'il nous parlait en chemin, et qu'il nous expliquait les Ecritures ? - Et se levant à l'heure même, ils retournèrent à Jérusalem, et trouvèrent que les onze apôtres et ceux qui demeuraient avec eux étaient assemblés et disaient : Le Seigneur est vraiment ressuscité, et il est apparu à Simon. - Alors ils racontèrent aussi eux-mêmes ce qui leur était arrivé en chemin, et comment ils l'avaient reconnu dans la fraction du pain.

Pendant qu'ils s'entretenaient ainsi, Jésus se présenta au milieu d'eux, et leur dit : La paix soit avec vous ; c'est moi, n'ayez pas peur. - Mais dans le trouble et la frayeur dont ils étaient saisis, ils s'imaginèrent voir un Esprit.

Et Jésus leur dit : Pourquoi vous troublez-vous ; et pourquoi s'élève-t-il tant de pensées dans vos coeurs ? - Regardez mes mains et mes pieds, et reconnaissez que c'est moi-même ; touchez-moi, et reconnaissez qu'un Esprit n'a ni chair ni os, comme vous voyez que j'en ai. - Après avoir dit cela, il leur montra ses mains et ses pieds.

Mais comme ils ne croyaient point encore, tant ils étaient transportés de joie et d'admiration, il leur dit : Avez-vous ici quelque chose à manger ? Ils lui présentèrent un morceau de poisson rôti et un rayon de miel. - Il en mangea devant eux, et prenant les restes, il les leur donna, et leur dit : Voilà ce que je vous disais étant encore avec vous : qu'il était nécessaire que tout ce qui a été écrit de moi dans la loi de Moïse, dans les prophètes et dans les Psaumes, fût accompli.

En même temps il leur ouvrit l'esprit, afin qu'ils entendissent les Ecritures ; - et il leur dit : C'est ainsi qu'il est écrit, et c'est ainsi qu'il fallait que le Christ souffrît, et qu'il ressuscitât d'entre les morts le troisième jour ; - et qu'on prêchât en son nom la pénitence et la rémission des péchés dans toutes les nations, commençant par Jérusalem. - Or, vous êtes témoins de ces choses. - Et je vais vous envoyer le don de mon Père, qui vous a été promis ; mais cependant demeurez dans la ville jusqu'à ce que vous soyez revêtus de la force d'en haut. (Saint Luc, ch. XXIV, v. de 13 à 49).

58.- Or, Thomas, l'un des douze apôtres, appelé Didyme, n'était pas avec eux lorsque Jésus vint. - Les autres disciples lui dirent donc : Nous avons vu le Seigneur. Mais il leur dit : Si je ne vois dans ses mains la marque des clous qui les ont percées, et si je ne mets mon doigt dans le trou des clous, et ma main dans le trou de son côté, je ne le croirai point.

Huit jours après, les disciples étant encore dans le même lieu, et Thomas avec eux, Jésus vint, les portes étant fermées, et il se tint au milieu d'eux, et leur dit : La paix soit avec vous.

Il dit ensuite à Thomas : Portez ici votre doigt, et considérez mes mains ; approchez aussi votre main, et mettez-la dans mon côté ; et ne soyez point incrédule, mais fidèle. - Thomas lui répondit et lui dit : Mon Seigneur et mon Dieu ! - Jésus lui dit : Vous avez cru, Thomas, parce que vous avez vu ; heureux ceux qui ont cru sans avoir vu (Saint Jean, ch. XX, v. de 20 à 29).

59.- Jésus se fit voir encore depuis à ses disciples sur le bord de la mer de Tibériade, et il s'y fit voir de cette sorte :

Simon-Pierre et Thomas appelé Didyme, Nathanaël, qui était de Cana en Galilée, les fils de Zébédée et deux autres de ses disciples étaient ensemble. - Simon-Pierre leur dit : Je vais pêcher. Ils lui dirent : Nous allons aussi avec vous. Ils s'en allèrent donc, et entrèrent dans une barque ; mais cette nuit-là, ils ne prirent rien.

Le matin était venu, Jésus parut sur le rivage, sans que ces disciples connussent que c'était Jésus. - Jésus leur dit donc : Enfants, n'avez-vous rien à manger ? Ils lui répondirent : Non. - Il leur dit : Jetez le filet au côté droit de la barque, et vous en trouverez. Ils le jetèrent aussitôt, et ils ne pouvaient plus le retirer, tant il était chargé de poissons.

Alors le disciple que Jésus aimait dit à Pierre : C'est le Seigneur. Et Simon-Pierre ayant appris que c'était le Seigneur, mit son habit (car il était nu), et il se jeta dans la mer. - Les autres disciples vinrent avec la barque ; et comme ils n'étaient loin de la mer que d'environ deux cents coudées, ils y tirèrent le filet plein de poissons. (Saint Jean, ch. XXI, v. de 1 à 8).

60.- Après cela, il les mena dehors, vers Béthanie ; et ayant levé les mains, il les bénit ; - et en les bénissant, il se sépara d'eux et fut enlevé au ciel.

Pour eux, après l'avoir adoré, ils s'en retournèrent à Jérusalem, remplis de joie ; - et ils étaient sans cesse dans le temple, louant et bénissant Dieu. Amen. (Saint Luc, ch. XXIV, v. de 50 à 53).

61.- Les apparitions de Jésus après sa mort sont rapportées par tous les évangélistes avec des détails circonstanciés qui ne permettent pas de douter de la réalité du fait. Elles s'expliquent, d'ailleurs, parfaitement par les lois fluidiques et les propriétés du périsprit, et ne présentent rien d'anomal avec les phénomènes du même genre dont l'histoire ancienne et contemporaine offre de nombreux exemples, sans en excepter la tangibilité. Si l'on observe les circonstances qui ont accompagné ses diverses apparitions, on reconnaît en lui, à ces moments, tous les caractères d'un être fluidique. Il paraît inopinément et disparaît de même : il est vu par les uns et non par les autres sous des apparences qui ne le font pas reconnaître même de ses disciples ; il se montre dans des endroits clos où un corps charnel n'aurait pu pénétrer ; son langage même n'a pas la verve de celui d'un être corporel ; il a le ton bref et sentencieux particulier aux Esprits qui se manifestent de cette manière ; toutes ses allures, en un mot, ont quelque chose qui n'est pas du monde terrestre. Sa vue cause à la fois de la surprise et de la crainte ; ses disciples, en le voyant, ne lui parlent pas avec la même liberté ; ils sentent que ce n'est plus l'homme.

Jésus s'est donc montré avec son corps périsprital, ce qui explique qu'il n'a été vu que par ceux à qui il a voulu se faire voir ; s'il avait eu son corps charnel, il aurait été vu par le premier venu, comme de son vivant. Ses disciples ignorant la cause première du phénomène des apparitions, ne se rendaient pas compte de ces particularités qu'ils ne remarquaient probablement pas ; ils voyaient Jésus et le touchaient, pour eux ce devait être son corps ressuscité (Chap. XIV, n° 14, et de 35 à 38).

62.- Alors que l'incrédulité rejette tous les faits accomplis par Jésus, ayant une apparence surnaturelle, et les considère, sans exception, comme légendaires, le Spiritisme donne de la plupart de ces faits une explication naturelle ; il en prouve la possibilité, non seulement par la théorie des lois fluidiques, mais par leur identité avec les faits analogues produits par une foule de personnes dans les conditions les plus vulgaires. Puisque ces faits sont en quelque sorte dans le domaine public, ils ne prouvent rien, en principe, touchant la nature exceptionnelle de Jésus[8].

63.- Le plus grand des miracles que Jésus a faits, celui qui atteste véritablement sa supériorité, c'est la révolution que ses enseignements ont opérée dans le monde, malgré l'exiguïté de ses moyens d'action.

En effet, Jésus, obscur, pauvre, né dans la condition la plus humble, chez un petit peuple presque ignoré et sans prépondérance politique, artistique ou littéraire, ne prêche que trois ans ; durant ce court espace de temps, il est méconnu et persécuté par ses concitoyens, calomnié, traité d'imposteur ; il est obligé de fuir pour ne pas être lapidé ; il est trahi par un de ses apôtres, renié par un autre, abandonné par tous au moment où il tombe entre les mains de ses ennemis. Il ne faisait que le bien, et cela ne le mettait pas à l'abri de la malveillance, qui tournait contre lui les services mêmes qu'il rendait. Condamné au supplice réservé aux criminels, il meurt ignoré du monde, car l'histoire contemporaine se tait sur son compte[9]. Il n'a rien écrit, et cependant, aidé de quelques hommes obscurs comme lui, sa parole a suffi pour régénérer le monde ; sa doctrine a tué le paganisme tout-puissant, et elle est devenue le flambeau de la civilisation. Il avait donc contre lui tout ce qui peut faire échouer les hommes, c'est pourquoi nous disons que le triomphe de sa doctrine est le plus grand de ses miracles, en même temps qu'elle prouve sa mission divine. Si, au lieu de principes sociaux et régénérateurs, fondés sur l'avenir spirituel de l'homme, il n'avait eu à offrir à la postérité que quelques faits merveilleux, à peine le connaîtrait-on peut-être de nom aujourd'hui.

DISPARITION DU CORPS DE JESUS.

61.- La disparition du corps de Jésus après sa mort a été l'objet de nombreux commentaires ; elle est attestée par les quatre évangélistes, sur le récit des femmes qui se sont présentées au sépulcre le troisième jour, et ne l'y ont pas trouvé. Les uns ont vu dans cette disparition un fait miraculeux, d'autres ont supposé un enlèvement clandestin.

Selon une autre opinion, Jésus n'aurait point revêtu un corps charnel, mais seulement un corps fluidique ; il n'aurait été, durant toute sa vie, qu'une apparition tangible, en un mot, une sorte d'agénère. Sa naissance, sa mort et tous les actes matériels de sa vie n'auraient été qu'une apparence C'est ainsi, dit-on, que son corps, retourné à l'état fluide, a pu disparaître du sépulcre, et c'est avec ce même corps qu'il se serait montré après sa mort.

Sans doute, un pareil fait n'est pas radicalement impossible, d'après ce que l'on sait aujourd'hui sur les propriétés des fluides ; mais il serait au moins tout à fait exceptionnel et en opposition formelle avec le caractère des agénères (Chap. XIV, n° 36). La question est donc de savoir si une telle hypothèse est admissible, si elle est confirmée ou contredite par les faits.

65.- Le séjour de Jésus sur la terre présente deux périodes : celle qui a précédé et celle qui a suivi sa mort. Dans la première, depuis le moment de la conception jusqu'à la naissance, tout se passe, chez la mère, comme dans les conditions ordinaires de la vie[10]. Depuis sa naissance jusqu'à sa mort, tout, dans ses actes, dans son langage et dans les diverses circonstances de sa vie, présente les caractères non équivoques de la corporéité. Les phénomènes de l'ordre psychique qui se produisent en lui sont accidentels, et n'ont rien d'anomal, puisqu'ils s'expliquent par les propriétés du périsprit, et se rencontrent à différents degrés chez d'autres individus. Après sa mort, au contraire, tout en lui révèle l'être fluidique. La différence entre les deux états est tellement tranchée, qu'il n'est pas possible de les assimiler.

Le corps charnel a les propriétés inhérentes à la matière proprement dite et qui diffèrent essentiellement de celles des fluides éthérés ; la désorganisation s'y opère par la rupture de la cohésion moléculaire. Un instrument tranchant, pénétrant dans le corps matériel, en divise les tissus ; si les organes essentiels à la vie sont attaqués, leur fonctionnement s'arrête, et la mort s'ensuit, c'est-à-dire la mort du corps. Cette cohésion n'existant pas dans les corps fluidiques, la vie ne repose pas sur le jeu d'organes spéciaux, et il ne peut s'y produire des désordres analogues ; un instrument tranchant, ou tout autre, y pénètre comme dans une vapeur, sans y occasionner aucune lésion. Voilà pourquoi ces sortes de corps ne peuvent pas mourir, et pourquoi les êtres fluidiques désignés sous le nom d'agénères ne peuvent être tués.

Après le supplice de Jésus, son corps resta là, inerte et sans vie ; il fut enseveli comme les corps ordinaires, et chacun put le voir et le toucher. Après sa résurrection, lorsqu'il veut quitter la terre, il ne meurt pas ; son corps s'élève, s'évanouit et disparaît, sans laisser aucune trace, preuve évidente que ce corps était d'une autre nature que celui qui périt sur la croix ; d'où il faut conclure que si Jésus a pu mourir, c'est qu'il avait un corps charnel.

Par suite de ses propriétés matérielles, le corps charnel est le siège des sensations et des douleurs physiques qui se répercutent dans le centre sensitif ou Esprit. Ce n'est pas le corps qui souffre, c'est l'Esprit qui reçoit le contre-coup des lésions ou altérations des tissus organiques. Dans un corps privé de l'Esprit, la sensation est absolument nulle ; par la même raison, l'Esprit, qui n'a point de corps matériel, ne peut éprouver les souffrances qui sont le résultat de l'altération de la matière, d'où il faut également conclure que si Jésus a souffert matériellement, comme on n'en saurait douter, c'est qu'il avait un corps matériel d'une nature semblable à ceux de tout le monde.

66.- Aux faits matériels viennent s'ajouter des considérations morales toutes puissantes.

Si Jésus avait été, durant sa vie, dans les conditions des êtres fluidiques, il n'aurait éprouvé ni la douleur, ni aucun des besoins du corps ; supposer qu'il en a été ainsi, c'est lui ôter tout le mérite de la vie de privations et de souffrances qu'il avait choisie comme exemple de résignation. Si tout en lui n'était qu'apparence, tous les actes de sa vie, l'annonce réitérée de sa mort, la scène douloureuse du jardin des Oliviers, sa prière à Dieu d'écarter le calice de ses lèvres, sa passion, son agonie, tout, jusqu'à son dernier cri au moment de rendre l'Esprit, n'aurait été qu'un vain simulacre pour donner le change sur sa nature et faire croire au sacrifice illusoire de sa vie, une comédie indigne d'un simple honnête homme, à plus forte raison d'un être aussi supérieur ; en un mot, il aurait abusé de la bonne foi de ses contemporains et de la postérité. Telles sont les conséquences logiques de ce système, conséquences qui ne sont pas admissibles, car c'est l'abaisser moralement, au lieu de l'élever.

Jésus a donc eu, comme tout le monde, un corps charnel et un corps fluidique, ce qu'attestent les phénomènes matériels et les phénomènes psychiques qui ont signalé sa vie.

67.- Cette idée sur la nature du corps de Jésus n'est pas nouvelle. Au quatrième siècle, Apollinaire, de Laodicée, chef de la secte des Apollinaristes, prétendait que Jésus n'avait point pris un corps comme le nôtre, mais un corps impassible qui était descendu du ciel dans le sein de la sainte Vierge, et n'était pas né d'elle ; qu'ainsi Jésus n'était né, n'avait souffert et n'était mort qu'en apparence. Les apollinaristes furent anathématisés au concile d'Alexandrie en 360, dans celui de Rome en 374, et dans celui de Constantinople en 381.

Les Docètes (du grec dokein, paraître), secte nombreuse des Gnostiques, qui subsista pendant les trois premiers siècles, avaient la même croyance.





[1]Tous les théologiens sont loin de professer des opinions aussi absolues sur la doctrine démoniaque. Voici celle d'un ecclésiastique dont le clergé ne saurait contester la valeur. On trouve le passage suivant dans les Conférences sur la religion, par Mgr Freyssinous, évêque d'Hermopolis, tome II, page 341 ; Paris, 1825 :

« Si Jésus avait opéré ses miracles par la vertu du démon, le démon aurait donc travaillé à détruire son empire, et il aurait employé sa puissance contre lui-même. Certes, un démon qui chercherait à détruire le règne du vice pour établir celui de la vertu, serait un étrange démon. Voilà pourquoi Jésus, pour repousser l'absurde accusation des Juifs, leur disait : « Si j'opère des prodiges au nom du démon, le démon est donc divisé avec lui-même, il cherche donc à se détruire ! » réponse qui ne souffre pas de réplique. »

C'est précisément l'argument qu'opposent les Spirites à ceux qui attribuent au démon les bons conseils qu'ils reçoivent des Esprits. Le démon agirait comme un voleur de profession qui rendrait tout ce qu'il a volé, et engagerait les autres voleurs à devenir d'honnêtes gens.


[2]Une preuve de cette coutume se trouve dans les Actes des apôtres, ch. V, v. 5 et suivants :

« Ananie, ayant entendu ces paroles, tomba et rendit l'Esprit ; et tous ceux qui en entendirent parler furent saisis d'une grande crainte. - Aussitôt, quelques jeunes gens vinrent prendre son corps, et, l'ayant emporté, ils l'enterrèrent. - Environ trois heures après, sa femme (Saphire), qui ne savait pas ce qui était arrivé, entra. - Et Pierre lui dit..., etc. - Au même moment elle tomba à ses pieds et rendit l'Esprit. Ces jeunes hommes étant entrés la trouvèrent morte ; et, l'emportant, ils l'enterrèrent auprès de son mari. »


[3]Le fait suivant prouve que la décomposition précède quelquefois la mort. Dans le couvent du Bon-Pasteur, fondé à Toulon par l'abbé Marin, aumônier des bagnes, pour les filles repentantes, se trouvait une jeune femme qui avait enduré les plus terribles souffrances avec le calme et l'impassibilité d'une victime expiatoire. Au milieu des douleurs, elle semblait sourire à une céleste vision ; comme sainte Thérèse, elle demandait à souffrir encore, sa chair s'en allait en lambeaux, la gangrène gagnait ses membres ; par une sage prévoyance, les médecins avaient recommandé de faire l'inhumation du corps immédiatement après le décès. Chose étrange ! à peine eut-elle rendu le dernier soupir, que tout travail de décomposition s'arrêta ; les exhalaisons cadavéreuses cessèrent ; pendant trente-six heures elle resta exposée aux prières et à la vénération de la communauté.


[4]Le lac de Génésareth ou de Tibériade.


[5]Le mont Thabor ou Tabor, au S. O. du lac de Tabarich, à 11 km S. E. de Nazareth ; environ 1.000 mètres de haut.


[6]L'explication suivante est tirée textuellement d'une instruction donnée à ce sujet par un Esprit.


[7]Il y a constamment à la surface du soleil des taches fixes, qui suivent son mouvement de rotation et ont servi à en déterminer la durée. Mais ces taches augmentent parfois en nombre, en étendue et en intensité, et c'est alors que se produit une diminution dans la lumière et dans la chaleur. Cette augmentation dans le nombre des taches paraît coïncider avec certains phénomènes astronomiques et la position relative de quelques planètes, ce qui en amène le retour périodique. La durée de cet obscurcissement est très variable ; parfois elle n'est que de deux ou trois heures, mais, en 535, il y en eut un qui dura quatorze mois.


[8]Les nombreux faits contemporains de guérisons, apparitions, possessions, double vue et autres, qui sont relatés dans la Revue spirite, et rappelés dans les notes ci-dessus, offrent, jusque dans les circonstances de détail, une analogie si frappante avec ceux que rapporte l'Evangile, que la similitude des effets et des causes demeure évidente. On se demande donc pourquoi le même fait aurait une cause naturelle aujourd'hui, et surnaturelle jadis ; diabolique chez quelques-uns et divine chez d'autres. S'il eût été possible de les mettre ici en regard les uns des autres, la comparaison aurait été plus facile ; mais leur nombre et les développements que la plupart nécessitent ne l'ont pas permis.


[9]L'historien juif Josèphe est le seul qui en parle, et il en dit très peu de chose.


[10]Nous ne parlons pas du mystère de l'incarnation, dont nous n'avons pas à nous occuper ici, et qui sera examiné ultérieurement.

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